Modernité et africanité dans l'habitat précaire à Abidjan : une contribution à la formalisation de la modernité aménagiste africaine

Modernité et africanité dans l'habitat précaire à Abidjan : une contribution à la formalisation de la modernité aménagiste africaine

Abidjan, modèle, Côte d'Ivoire, quartier précaire, modernité

Aménagement

L'aménagement urbain est très tôt apparu en Afrique comme un outil important dela mondialisation de la modernité occidentale. Aujourd'hui, cette mondialisation est de plus en plus contestée sur le continent. Malgré le "bloc bétonné" et prédateur qu'est cette modernité occidentale introduite en Afrique à la fin du XIXème siècle avec la colonisation, une sorte de révolution socio-culturelle sourde mais sereine, court depuis les années 1980 à contre-courant. Les problèmes actuels de la ville africaine (insuffisance de logements décents, inadéquation des services urbains ... ), la persistance dans ces villes de cultures populaires afrocentriques et de cette crise économique qui perdure, mettent effectivement en exergue sur le continent une crise de la modernité occidentale et surtout de son aspect universaliste. Cette situation entraîne un débat scientifique sur la "modernité africaine" (Copans J. 1990). Ce débat suscite la réémergence de la prise de conscience des valeurs techniques, scientifiques, socio-économiques, culturelles et politiques intrinsèques à l'Afrique pour résoudre les problèmes africains. Un des champs remarquables de la manifestation de cette modernité africaine en gestation et basée sur l'africanité est certainement l'habitat précaire des capitales africaines. La modernisation aménagiste engagée dans ces zones défavorisées et longtemps marginalisées de ces villes présente des spécificités telles qu'elles permettent une démonstration empirique de l'existence d'une véritable modernité. L'aménagement pratiqué par les couches populaires de ces zones d'habitat demeure encore bien adapté à leur quotidienneté toujours imprégnée de valeurs traditionnelles africaines. La spécificité de cet aménagement se traduit également par l'incorporation d'éléments modernes ; cette incorporation est inévitable et imputable aux relations d'interdépendance entre les villes officielles et ces "non-lieux" officieusement reconnus. Cet aménagement est ainsi significatif du caractère dualiste (tradition/modernité) de la culture populaire syncrétique des zones urbaines africaines, indispensable au façonnement de la modernité africaine. Pour illustrer l'émergence de la modernité aménagiste africaine dans les quartiers précaires, cette recherche évalue le processus d'appropriation et de formalisation par leurs populations des éléments architecturaux et urbanistiques des deux modèles socio-culturels (occidentaliste/traditionaliste africain) présents dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan. Par une étude comparative ethno-historique basée sur l'anthropologie de l'espace des quatre plus anciens quartiers précaires d'Abidjan, une analyse de l'évolution des transformations de leur habitat permet de montrer l'existence d'une logique d'aménagement spécifique à ces quartiers. Au lieu d'un mimétisme béat de quelconques éléments de ces deux modèles d'aménagement, la logique qui a encadré l'évolution de l'habitat précaire à Abidjan a soutenu une permanence de l'essence traditionnelle africaine des principes conceptuels de centralité et de limite, mais aussi l'acceptation d'éventuels ajustements dans leur mise en forme avec des éléments occidentalistes, en vue de réaliser un cadre bâti qui répondrait mieux aux contraintes de la vie moderne urbaine. La caractéristique principale de la modernité aménagiste africaine en gestation dans ces quartiers précaires apparaît ainsi être la cohérence qui existe entre l'évolution socio-culturelle de leurs populations et la qualité de l'intégration des éléments d'aménagement des deux modèles traditionaliste et occidentaliste. Les mots clefs de cette modernité qui nie le caractère universel de la modernité occidentale seraient alors la primordialité de l'africanité, l'adaptation obligatoire des emprunts aménagistes et le refus du mimétisme, l'homogénéisation sociale par l'habitat ainsi que la permanence d'une convivialité dans cet habitat basée sur les principes de vie communautaire africaine. Cette recherche donne ainsi des outils pour une conceptualisation d'un éventuel habitat social africain moderne.

N'Guessan, Serge-Marie

Université de Montréal

1998

Blary, Réjane. Directeur de thèse

Fr

Thèse

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