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LA MESURE DEMOGRAPHIQUE COMME INDICATEUR ET ÉLEMENT CONSTRUCTION D'UNE POLITIQUE DE POPULATION. LE CAS DES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES À DJIBOUTI.

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Titre

LA MESURE DEMOGRAPHIQUE COMME INDICATEUR ET ÉLEMENT CONSTRUCTION D'UNE POLITIQUE DE POPULATION. LE CAS DES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES À DJIBOUTI.

Sujet

[SHS:DEMO] Humanities and Social Sciences/Demography
Djibouti
politique de population
mutilations génitales féminines
indicateurs

Description

Les mutilations génitales féminines (MGF) font l'objet d'une réprobation internationale de la part des féministes et des instances porteuses du droit international qui vise à protéger les femmes et les enfants souvent présentés comme étant en situation de vulnérabilité et de domination. Les MGF sont présentées comme une cause de mortalité et de morbidité, désignées comme une atteinte au droit et à l'intégrité des femmes, définies comme des pratiques ancestrales " néfastes " ou d'inspiration religieuse qu'il convient de combattre afin d'entrer dans la modernité. Ces discours, qui renvoient à différents types de rhétoriques argumentatives, sont portés par une pluralité d'acteurs : des femmes dites " pionnières ", des associations constituées le plus souvent de femmes, des ONG, des institutions nationales (Ministère de la santé, Ministère de la promotion de la femme, Ministère des affaires religieuses) et des institutions internationales (UNFPA, UNICEF). Alors que ces acteurs semblent unis par la volonté de combattre les MGF, un examen attentif de leur positionnement, de la manière dont ils dénomment et catégorisent les MGF, de la rhétorique qu'ils emploient révèle des divergences sur l'objectif et les moyens qu'ils se fixent. Ces contradictions loin d'être anodines expliquent en partie la difficulté qu'éprouvent ces institutions à établir et à mettre en œuvre un programme commun de lutte contre les MGF. C'est dans ce contexte, qu'en 2005 à la demande de l'UNFPA, de l'UNICEF et du Ministère de la Santé, le CEPED a conduit une enquête démographique ayant pour objectif de mesurer les MGF selon une méthodologie innovante. Rompant avec les enquêtes déclaratives classiques auprès des femmes adultes, une mesure clinique des différents types de MGF définis par l'OMS a été effectuée par des médecins djiboutiens lors d'une visite médicale en milieu scolaire auprès de fillettes en primaire dans un échantillon d'école des districts du pays. Surprenant l'ensemble des observateurs les résultats montrent que presque un cinquième des fillettes de la capitale Djibouti n'ont pas été touchées et qu'un glissement s'est opéré de l'infibulation à l'excision. L'âge des fillettes semble rendre irréversible ce changement au regard de l'âge normal où l'excision, la sunna ou l'infibulation sont pratiquées. Ce résultat traduit une rupture dans une population où la norme était encore récemment l'infibulation (75%). Cette mesure a mis en lumière le décalage profond entre les représentations des acteurs institutionnels quant à la population dont ils ont la charge et au changement -ce dernier n'est envisageable que sur plusieurs générations et doit être conduit avec prudence et respect- et les attentes des individus de plus en plus instruits, et connectés au monde extérieur grâce aux NTIC et aux migrations internationales. Ce résultat inattendu voire embarrassant a posé problème aux acteurs institutionnels. D'un point de vue de la communication et de l'information, il s'agissait de savoir comment et quels résultats diffuser dans les médias. La question du renouvellement de cette mesure et donc la production récurrente d'indicateurs a également surgi, car en dépit du suivi régulier qu'elle permet elle contribue à créer une demande sociale en matière de santé scolaire. Afin de compléter la mesure clinique, une recherche anthropologique auprès des femmes et des hommes a été conduite dans l'ensemble des quartiers de la capitale qui représente les trois quarts de la population du pays. Il s'agissait de comprendre quels sens et quelles représentations cette société pluriethnique associe à ces pratiques, à leur abandon ou à leur perpétuation. La pluralité des instances contribuant à définir les " MGF " (OMS, Etat, sphère religieuse) produit une confusion dans la population, cette dernière n'identifie plus avec certitude ce qui est légal ou légitime de faire. Paradoxalement ce flou normatif permet aux familles et aux individus de donner plus libre cours à leurs interprétations du contexte et d'élaborer leurs choix de manière plus indépendante et moins conformiste. Si l'évolution du contexte global de vie de Djiboutiens (nouvel Etat, sédentarisation, urbanisation, éducation) n'est pas absente des changements dans ce domaine, les premières campagnes de sensibilisation, l'instauration d'une législation rendant illégale la pratique des MGF, en faisant de cette coutume un " problème de société " place les hommes et les femmes dans une nouvelle position vis-à-vis de leur culture et de leurs traditions, celles-ci sont en effet mesurées et interrogées au regard de standards étrangers occidentaux. Les statistiques et leur diffusion deviennent un " miroir de la nation " qui interroge l'ensemble des acteurs impliqués dans le développement, y compris les chercheurs. Ces deux recherches, clinique et anthropologique, en bousculant les méthodologies et les idées reçues (intégrer les hommes à une recherche sur ce qui est considérée comme " une affaire de femmes ") a conduit à une redéfinition des objectifs de la politique de population. Il ne s'agit plus désormais le lutter contre les MGF et l'infibulation mais d' " éradiquer toutes formes de MGF ". Si la production de statistiques est une expression du pouvoir et du politique, celui-ci peut être à son tour surpris par les résultats de l'ingénierie sociale qu'il a lancé.

Créateur

Petit, Véronique

Source

Colloque GEMDEV UNESCO La mesure du développement Paris,

Date

2012-02-01

Langue

ENG

Type

conference, seminar, workshop communication

Identifiant

http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00840281
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/84/02/81/PDF/PETIT-MGF_Djbouti_colloque_GEMDEV-UNESCO_.pdf

Couverture

PARIS, Unesco
France