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Titre
A la poursuite des maraîchers boliviens de Buenos Aires... Tours et détours méthodologiques pour aborder des acteurs qui se dérobent
Sujet
[SHS:GEO] Humanities and Social Sciences/Geography
Méthodologie
Argentine
Buenos Aires
Migrants
Boliviens
Visibilité
Réflexivité
Description
Choisir d'étudier une population de migrants pose un certain nombre de défis (Axe C). Le chercheur doit faire preuve d'ingéniosité pour tracer les cadres de son étude et entrer en confiance avec une population souvent méfiante. En Argentine, les migrants des pays limitrophes, notamment les Boliviens, Paraguayens et Péruviens, issus des vagues d'immigration les plus récentes, se dérobent à la vue d'interrogateurs, quels qu'ils soient. Ainsi, les Boliviens maraîchers, dont le rôle est indispensable pour l'approvisionnement en légumes de Buenos Aires, sont présents dans tous les espaces périurbains et centraux de la métropole, mais les aborder pour mener des entretiens s'apparente à un parcours du combattant : ce sont des acteurs visibles, mais inaccessibles, tant ils cherchent à se rendre invisibles. Le chercheur doit-il lui-même se rendre invisible pour rencontrer l'inaccessible ? Quelles stratégies adopter devant les réticences aux récits de vie ? Cette communication propose des méthodes d'apprentissage de la patience devant des acteurs qui se dérobent. Au premier abord, les maraîchers boliviens voient d'un mauvais œil les questions qu'on leur pose, mais se donner un temps d'approche et d'observation permet de faire partie du lieu et d'y travailler en toute confiance. On repère cinq étapes systématiques dans cette immersion : la curiosité mutuelle, le blocage, le déblocage, la libre circulation (et interrogation) dans le lieu, et enfin, l'impossibilité de s'en échapper. Cette immersion est lente, non linéaire : le chercheur oscille lui-même entre visibilité et invisibilité pour accéder à ses fins. Malgré la patience envers les personnes interrogées, il est impossible d'échapper au jeu frustrant du chat et de la souris, où un rien déstabilise la confiance que l'on croyait acquise. Pour analyser sans dérobées la dynamique du lieu, il faut développer un bagage de techniques interchangeables selon les interlocuteurs. On s'aperçoit alors que le profil bas qu'adoptent les maraîchers boliviens n'est pas seulement lié à leur position de migrants. Leur attitude s'explique aussi par leur condition sociale de petits producteurs, par leur acharnement au travail, et par leurs caractéristiques individuelles (sexe, âge, origine en Bolivie), autant d'éléments qui déterminent aussi différents niveaux de visibilité chez les maraîchers boliviens. Apprendre à cerner rapidement ces détails permet au chercheur d'adopter une attitude plus modeste face à son interlocuteur. L'expérience et la persévérance rendent visible l'invisible, au moins le temps de l'entretien. Ces méthodes exigent une mise en miroir continuelle du chercheur : " Quelle serait mon attitude face à un inconnu qui me demande de raconter ma vie ? " Proches de l'anthropologie, elles dépendent de terrains longs, mais aident réellement à percevoir le rôle des migrants dans les recompositions territoriales profondes de l'espace étudié. Les résultats obtenus invitent à développer une géographie sensible des migrations, où ce qui est caché peut être révélé, en tout respect de l'autre.
Créateur
Le Gall, Julie
Source
E-Migrinter
Date
2009-06
Langue
FRE
Type
article in peer-reviewed journal
Identifiant
http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00679569
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/67/95/69/PDF/e-migrinter2009_04_110.pdf